PROTECTION DES YEUX LORS D'UNE ECLIPSE SOLAIRE
d'après B. Ralph Chou, MSC, OD
Professeur associé, School of Optometry, Université de Waterloo,
Adapté de NASARP 1383, Total Solar Eclipse of 1999, August 11, Avril 1997.
L'éclipse totale est probablement l'évènement astronomique le plus spectaculaire qui peut être vu
de la Terre . Il est fort intéressant d'observer les éclipses, et des centaines d'astronomes (aussi bien amateurs et professionnels) voyagent à travers
le monde afin de les observer et les photographier.
L'éclipse solaire offre aux étudiants une opportunité unique de voir un
phénomène naturel qui illustre les principes de base de la science et des
mathématiques qui sont enseignés durant le cycle secondaire. Vraiment,
beaucoup de scientifiques (y compris les astronomes!) ont opté pour l'étude des
sciences à la suite de la vue d'une éclipse solaire totale.
Les enseignants peuvent utiliser les éclipses pour montrer comment les lois
du mouvement et la mécanique spatiale peuvent prédire les
circonstances des éclipses. L'utilisation d'appareils photo à petite
ouverture, de télescopes ou de jumelles pour observer une éclipse mène à la
compréhension de l'optique de ces procédés. L'augmentation et la chute des
niveaux d'intensité lumineuse de l'environnement pendant une éclipse illustre
les principes de radiométrie et de photométrie, tandis que les classes de
biologie peuvent observer le comportement associé des plantes et des animaux.
C'est aussi une opportunité pour les enfants des écoles primaires de contribuer
activement à la recherche scientifique - les observations à différents endroits
le long du parcours de l'éclipse sont utiles au perfectionnement de notre
connaissance des mouvements orbitaux de la Lune et de la Terre, et les séquences
et photographies de la couronne solaire peuvent être utilisées pour construire
une image en 3 dimensions de la photosphère autour du Soleil pendant l'éclipse.
Toutefois, l'observation du Soleil peut être dangereuse si vous ne prenez pas
certaines précautions. Le rayonnement solaire qui atteint la surface de la
Terre varie du rayonnement ultra-violet (UV), d'une longueur d'onde d'environ
290 nm aux ondes radio, d'une longueur d'onde de l'ordre du mètre. Les tissus
oculaires transmettent une partie substantielle des rayonnements entre 380 nm
et 1400 nm à la rétine photosensible située au fond de l'oeil. Si l'exposition
aux rayons UV est connue pour sa contribution à l'accélération du vieillissement
des couches supérieures de l'oeil et au développement de cataracte,
l'inquiétude à avoir au sujet de la vision incorrecte du Soleil pendant une
éclipse est le développement de l''aveuglement écliptique' ou les brûlures de
rétine.
L'exposition de la rétine à une intense lumière visible cause des dommages aux
cônes et bâtonnets photosensibles situés au fond de la rétine.
La lumière déclenche une série de réactions
photochimiques à l'intérieur des cellules qui endommagent leur habilité à
répondre à un stimulus visuel, et dans des cas extrêmes, peut les détruire.
Le résultat est la perte de fonctions visuelles qui peut être temporaire ou
permanente, selon la sévérité du dommage. Quand une personne regarde
répétitivement ou très longtemps le soleil sans protection appropriée pour les
yeux, les dommages photochimiques de la rétine peuvent être accompagnés de
blessures thermiques (les rayonnements dans le visible de haut niveau et le
proche infra-rouge causent un réchauffement qui peut littéralement brûler les
tissus exposés). Les brûlures ou photocoagulation détruisent les cônes et bâtonnets,
créant une petite surface aveugle. Le danger pour la vue est important parce que
les blessures rétiniennes se passent sans sensation de douleur (il n'y a pas
de récepteurs de douleur dans la rétine) et les effets visuels se produisent
plusieurs heures après que le dommage soit fait (Pitts, 1993).
Le seul moment où le Soleil peut être vue sans danger à l'oeil nu est pendant
une éclipse totale, quand la Lune recouvre complètement le disque solaire. Il
ne faut jamais regarder une éclipse partielle ou annulaire, ou les phases
partielles d'une éclipse totale sans l'équipement et les techniques appropriés.
Même quand 99% de la surface solaire (la photosphère) est obscurcie pendant
les phases partielles d'éclipse solaire, le croissant de Soleil restant est
suffisamment intense pour causer des brûlures de la rétine bien que les niveaux
d'illumination soient comparables au crépuscule (Chou, 1981, 1996; Marsh, 1982).
L'incapacité à utiliser des méthodes propres à l'observation peut entraîner des
dommages oculaires permanents ou des pertes visuelles sévères.
Les mêmes techniques pour l'observation du Soleil, en dehors des éclipses,
sont utilisées pour voir ou photographier les éclipses annulaires et le soleil
partiellement éclipsé (Sherrod, 1981; Pasachoff et Mengel 1992; Pasachoff et
Covington, 1993; Reynolds et Sweetsir, 1995). La plus sûre et la moins chère
des méthodes est la projection. Un 'trou d'épingle' ou une
petite ouverture sont utilisés pour former une image du Soleil sur un écran
placé à un mètre environ de l'ouverture. De nombreuses ouvertures dans un
tableau, un chapeau de paille tressé, ou même des doigts entrelacés peuvent
être utilisés pour projeter un motif d'images solaires sur un écran. Un effet
similaire est vu sur le sol sous un arbre à feuilles larges: les nombreux
'trous d'épingles' formés par l'enchevêtrement des feuilles créent des
centaines d'images en formes de croissant. Des jumelles ou un petit télescope
sur trépied peuvent être utilisés pour projeter une image magnifique du soleil
sur un tableau blanc. Beaucoup de ces méthodes peuvent être utilisées pour
fournir une vue sans danger des phases partielles d'une éclipse à un groupe
d'observateurs, mais il faut s'assurer que personne ne regarde directement à
travers le dispositif. Le principal avantage de la méthode de projection est
que personne ne regarde directement le Soleil. L'inconvénient de la méthode
des 'trous d'épingles' est que l'écran doit être placé au moins à un mètre
derrière l'ouverture pour avoir une image solaire qui est assez large pour être
vue facilement.
Le Soleil peut seulement être vu directement lorsque l'on utilise des filtres spécifiques à
la protection des yeux. La plupart de ces filtres ont une fine
couche d'alliage de chrome ou d'aluminium déposés sur leur surface qui atténuent
les rayonnements visibles et infra-rouges. Un filtre solaire sans danger
transmet moins de 0.0003% de la lumière visible (380 à 780 nm) et pas plus de
0.5% du rayonnement proche infra-rouge (780 à 1400 nm).
L'un des filtres le plus largement disponible sans danger pour la vue du Soleil
est la paire de lunettes de soudeur n°14, qui peut être obtenue dans les
magasins de fournitures pour soudeurs. Une alternative plus populaire et pas
chère est le mylar d'aluminium fabriqué spécifiquement pour l'observation du
Soleil (Le mylar d'aluminium utilisé en jardinage n'est pas approprié!!).
Contrairement aux verres de soudeur, le mylar peut être coupé pour l'adapter
aux dispositifs d'observations et ne se casse pas quand il tombe. Beaucoup
d'observateurs du Soleil expérimentés utilisent une ou deux couches de film
noir et blanc qui sont pleinement exposé à la lumière et développé à une
densité maximum. L'argent métallique contenu dans l'émulsion du film est le
filtre protecteur. Quelques uns des films noir et blanc récents utilisent
de la teinture au lieu de l'argent et sont dangereux. Les négatifs noirs et
blancs avec des images dessus (par exemple les rayons X médicaux) ne sont pas
utilisables. Plus récemment, les observateurs du Soleil ont utilisés des
disquettes ou des disques compacts ( CD ou CD-ROM) comme des filtres de
protection en couvrant l'ouverture centrale et en regardant à travers le disque.
Toutefois, la qualité optique de l'image solaire formée à travers la disquette
ou le CD est relativement pauvre comparée à celle obtenue à travers le mylar
ou les verres de soudure. Certains CD sont faits avec un très fin revêtement
d'aluminium et ne sont pas sûrs. Si vous pouvez voir à travers le CD dans une
pièce normalement éclairée, ne l'utilisez pas! Aucun filtre ne devra être
utilisé avec un dispositif optique (i.e. jumelles, télescopes, caméra) à moins
qu'ils aient été spécifiquement destinés à cet usage et seront montés sur le
bout dirigé vers le Soleil.
Les filtres dangereux incluent les films colorés, les films en noir et blanc
qui ne contiennent pas d'argent, les négatifs photographiques avec des images
dessus (rayons X et instantanés), les verres fumés, les lunettes de soleil, les filtres
photographiques de densité neutre et les filtres polarisés. La plupart d'entre
eux transmettent les niveaux élevés des rayonnements invisibles infra-rouges,
ce qui peut causer une brûlure de la rétine. Le fait que le Soleil apparaisse
sombre, ou que l'on ne sente pas d'inconfort en regardant le Soleil à travers
le filtre, ne garantit pas que vos yeux soient saufs. Les filtres solaires qui
sont fournis avec les télescopes bon marché sont souvent dangereux. Ces filtres
peuvent craquer de facon inattendue à cause du réchauffement quand le
télescope est pointé vers le Soleil, et des dommages rétiniens peuvent arriver
plus vite que l'observateur ne bouge son oeil du viseur. Evitez de prendre des
risques inutiles.
La possibilité que les rayonnements UVA (longueurs d'ondes comprises entre 315
et 380 nm) de la lumière solaire peuvent aussi affecter défavorablement la rétine
a aussi été évoquée (Del Priore, 1991).
En dépit de ces précautions, la phase totale de l'éclipse pourra être vue sans
filtre bien que l'observation à l'oeil nu de l'éclipse totale ne soit pas
complètement sans danger.
Bibliographie
- American Conference of Governmental Industrial Hygienists, "Threshold Limit Values for Chemical Substances and Physical Agents and Biological Exposure Indices," ACGIH, Cincinnati, 1996, p.100.
- Chou, B. R., "Safe Solar Filters," Sky and Telescope, August 1981, p. 119.
- Chou, B. R., "Eye safety during solar eclipses - myths and realities," in Z. Madourian & M. Stavinschi (eds.) Theoretical and Observational Problems Related to Solar Eclipses, Proceedings of a NATO Advanced Research Workshop. Kluwer Academic Publishers, Dordrecht, 1996 (in press).
- Chou, B. R. and Krailo M. D., "Eye injuries in Canada following the total solar eclipse of 26 February 1979," Can. J. Optometry, 1981, 43(1):40.
- Del Priore, L. V., "Eye damage from a solar eclipse" in M. Littman and K. Willcox, Totality: Eclipses of the Sun, University of Hawaii Press, Honolulu, 1991, p. 130.
- Marsh, J. C. D., "Observing the Sun in Safety," J. Brit. Ast. Assoc., 1982, 92, 6.
- Pasachoff, J. M., and Covington, M., Cambridge Guide to Eclipse Photography, Cambridge University Press, Cambridge and New York, 1993.
- Pasachoff, J. M., "Solar Eclipses and Public Education," International Astronomical Union Colloquium #162: New Trends in Teaching Astronomy, D. McNally, ed., London 1997, in press.
- Penner, R. and McNair, J. N., "Eclipse blindness - Report of an epidemic in the military population of Hawaii," Am. J. Ophthalmology, 1966, 61:1452.
- Pitts D. G., "Ocular effects of radiant energy," in D. G. Pitts & R. N. Kleinstein (eds.) Environmental Vision: Interactions of the Eye, Vision and the Environment, Butterworth-Heinemann, Toronto, 1993, p. 151.
- Reynolds, M. D. and Sweetsir, R. A., Observe Eclipses, Astronomical League, Washington, DC, 1995.
- Sherrod, P. C., A Complete Manual of Amateur Astronomy, Prentice-Hall, 1981.
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